(PG13) Mustang Bar

Comme chaque soir, Camille se rendait à son job étudiant. Elle aimait bien son petit boulot de serveuse, çà lui permettait d'échapper à la pression de ses études de médecine, mais surtout d'être à l'aise financièrement. Bon, il était vrai qu'elle ne comptait pas les heures dans une journée ! si celle ci pouvait excéder les 24h elle en serait ravie ! et si elle n'avait pas un besoin physiologique de dormir, elle s'en passerait aussi.
Ses colocataires, Amélie surnommée Amy et Coralie qui louaient un immense appartement loft au centre de la ville dans laquelle elle étudiait, ne la comprenaient guère. D'ailleurs, hormis le fait que leur cohabitation se passait à merveille, elles n'étaient pas forcément amies. C'était l'intéret de ce loft, entièrement refait, qui lui rappelait les oeuvres de Novel, un architecte contemporain qu'elle appréciait particulièrement. Elles avaient chacune un mini studio à l'intérieur, et seules la cuisine et le séjour étaient commun.

Pourquoi pensait elle à cela ?... certainement que lorsqu'elle rentrerait elle était sure d'avoir du calme, sa chambre étant la plus éloignée des pièces à vivre, et que, meme si ses coloc n'étaient pas aussi studieuses, Camille ne les entendrait pas et qu'elle pourrait se reposer avant de reprendre l'une de ses journées de 18h...
Elle noua à sa taille fine son petit tablier brodé à son nom et orné de dentelles par sa mère, qui loin d'être vieux jeu, avait donné une touche romantique à cet outil de travail si banal. Elle jeta un coup d'oeil au miroir en pied vétuste qui tenait par on ne sait quel miracle à la porte du vestiaire des filles (vestiaire étant un bien grand mot, puisqu'il s'agissait d'une réserve de 5m2 aménagée avec trois armoires verrouillées pour se changer, pour ses 2 collègues et elle meme)
Le reflet que lui envoya le miroir lui fit faire une moue. Ses grands yeux sombres aux cils immenses jugeaient sévèrement son allure.
Pourtant elle était très jolie mais ne s'en rendait pas compte. De longs cheveux chatains foncés descendaient en cascade sur ses épaules en général, mais là elle elle les attachait en un chignon austère duquel s'échappait quelques mèches indomptables. Avec le froid de l'extérieur, sa peau très pale était réhaussée par la couleur de ses joues rosies, et ses lèvres fardées d'un gloss rouge sombre ajoutaient une note un rien gothique. Elle était vêtue simplement d'un pantalon noir élastanne qui soulignait la finesse de sa taille, et d'un pull cache coeur qui laissait cependant à peine entrevoir une poitrine menue mais ferme....
Camille posa ses mains sur ses hanches... oui, çà irait... elle avait réussi à cacher sa fatigue avec de l'anticerne. Ses clients habituels ne devraient pas remarquer cette faiblesse...

camille s'était installée derrière le bar et relavait distraitement quelques verres recouverts de trace de calcaire... Sacré Peguy ! quand c'etait l'heure de partir elle oubliait d'être soigneuse; et à chaque fois, Camille reprenait ce qui aurait du etre fait...
Il était 21 h... la soirée ne faisait que commencer... et en ce 31 Octobre; celle ci risquait d'être riche en tout point. La jeune femme ne s'était pas déguisée, leur patron leur avait juste demander de porter un serre tete avec des cornes de diable et pour l'occasion Marc avait investi dans des tshirts à l"effigie du bar : un petit Mustang blanc argenté sur fond noir qui courait, qui n'était pas sans rappeler une marque de voiture du meme nom... çà n'était pas du au hasard, cet homme avait une veritable passion pour ce vehicule, et avec un héritage il avait ouvert ce bar et s'était offert une Mustang cabriolet de collection...

Le bar était joliment décoré mais sans trop de fioritures : quelques toiles d'araignée, une lumière tamisée et des hallogènes orangés... pas de kitsch, Marc détestait çà ! ... Les photos des plus beaux modèles de Mustang était toujours éclaireé par le dessous par leurs néons respectifs... rien n'y était ajouté...

Mais camille savait pertinement que ce qui fairait l'essentiel ce soir là, était les trois groupes de Musique Rock qui joueraient tout au long de la nuit...
La scène était deja installée, et le premier groupe local allait l'investir d'ici peu.... une première partie qui s'avérait fort entrainante... mais qui n'était rien en comparaison des deux suivants : deux groupes Metal connus qui attiraient déja pas mal de monde...
çà serait une bonne soirée.... et puis Camille aimait ce genre d'ambiance : plein de monde, de bruit, pour lui vider la tete et penser à autre chose... et elle avait un gros faible pour la Tete d'affiche : le chanteur était particulièrement émoustillant, et çà serait la première fois qu'elle le verrait en vrai....

Elle fut étonné de voir un gamin de pas plus d'une douzaine d'année qui déambulait entre les tables. Sa tignasse noire était en bataille, ses cheveux mi longs partant en tout sens sous formes de mèches sur sa tête encore arrondie par les traits de l'enfance. Il avait de grands yeux étonnamment clairs, du bleu ou du vert, difficile à dire à cette distance, qui lui donnait un air candide. On les avait rehaussés d'une sorte de mascara noir qui lui soulignait les paupières et faisait paraître son regard plus profond.

Il souriait en se promenant, regardant ce qui était collé sous les tables, passant vers les jeunes femmes aux airs gothiques qui lui passaient la main dans ses cheveux broussailleux après avoir vu le petit air malin du môme. Les hommes l'ignoraient, faisaient mine de s'intéresser à lui quand une des filles qu'ils connaissaient faisaient sans doute une remarque sur sa figure d'ange ou lui tapotait vaillamment dans le dos pour le faire fuir ou dans une exclamation de rire après qu'il leur eu parlé.

Le petit bout d'homme finit par arriver aux alentour du bar qui devait faire sa hauteur . Puis, il se hissa sur un haut siège qui était devant le bar entre une femme brune, aux traits fins et aux yeux de biches qui était des plus fines et un homme châtain, avec des tatouages aux allures celtiques sur les bras et sans doute le torse. Il fixa un moment les gros bras poilus du gaillard puis se tourna vers la barmaid, verts... clairs... ses yeux qui faisaient fondre.

Camille fut un peu éberluée de l'assurance et la nonchalance du gamin aux si beaux yeux... elle lui souria cependant...
d'un air contrit elle prit la parole :

- Tu es tout seul ? aucun adulte ne t'accompagne ?... normalement les adolescents de ton age ne peuvent pas rester au bar tout seul....

elle avait volontairement appuyé sur le mot "adolescent" car elle sentait que le jeune garcon avait un égo fort développé... et puis il était si mignon qu'elle ne voulait pas le froisser....

Anatole semblait ne pas vraiment prêter attention au sens de ce que disait la jeune femme. Son regard était porté sur sa bouche charnue et il pinça ses propres lèvres en faisant la moue puis tourna la tête vers l'homme à sa droite en pointant du doigt son bras.

- Tu pense si tu souffle sur son bras, le brouillard noir va s'envoler ?

Ses grands yeux suivirent les dessins sur le bras de l'homme puis pivotèrent à nouveau sur la bouche de Camille.

Ce gamin lui posait une bien étrange question ! ?....mais que lui répondre ?

bon... elle jeta un oeil à la porte de service, son patron n'arrivait pas encore,disons que puisque ce gosse était si mignon elle ne lui dirait rien....

elle décida alors de changer de sujet...
- Tu t'appelles comment ? lui demanda t elle alors quand il se mit à l'observer... Ecoute... normalement tu n'as pas le droit d'être là, mais d'un autre coté, il vaut peut etre mieux que tu sois ici que dehors....
Camille souria doucement et ses yeux pétillèrent.... et elle posa devant le jeune ado un coca...

- cadeau....

En son for intérieur elle songeait que ses parents devaient bien savoir qu'il était de sortie, et que les adolescents allaient dehors de plus en plus jeunes et de plus en plus tard.... elle aviserait par la suite...

Elle fut héler pour prendre une commande au bar (elle ne faisait pas le service à table aujourd'hui) sans toutefois detacher ses yeux du gamin...

Le gamin entrouvrit la bouche puis il sourit sans doute parce qu'elle semblait s'intéresser à lui. Ses yeux ronds vinrent se ficher sur les yeux de la jeune femme mais il les baissa, il semblait préférer parler à sa bouche.Il était menu et lui répondit sur un ton plein d'entrain.

- Anatole ! Et toi tu t'appelle comment ? Tu sers de l'alcool aux gens ?

Dit-il avec une indélicatesse et sans faux semblant qui caractérisait l'enfance. Il zieuta le coca pétillant et sembla suivre du regard les bulles, passant ses doigts le long du verre froid. Il regarda à droite et à gauche puis refixa son attention sur le verre de coca avant de regarder la jeune femme toujours au niveau des lèvres. Il semblait soit attendre une réponse, soit se désintéresser totalement de la question car c'est comme s'il regardait quelque chose derrière elle, le vide tandis que ses pensées progressaient on ne sait où.

- Camille !! hurla un mec qui arriva au bar.... la meme chose que d'habitude !!

La jeune femme sourit et fit un clin d'oeil au gamin...

- Tu as ta réponse....

Elle se dirigea alors vers la tireuse à bière et servit 3 verres au type goguenard, qui ne devait pas etre à son premier service... il était vaguement déguisé en militaire, avec quelques traits de craie grasse verdatre et un uniforme...

Elle fut héler à nouveau par quelques autres clients.... mais elle jetait de temps à autre un regard vers le jeune garcon...

Inquiete ? peut etre un peu....
d'autant plus que le premier groupe venait de s'installer sur la scène improvisée et accordait leurs instruments....
le plus gros de la foule ne viendrait pas avant la fin du passage du premier groupe local... qui sans etre exceptionnel savait chauffer une foule...

Le patron de Camille n'allait pas tarder à arriver non plus....

Celle ci revint alors vers Antoine....

- Quand mon boss sera là....
elle se ravisa et lui chuchota en se penchant vers lui :
- j'ai peut etre une idée un peu dingue, mais comme je ne peux pas t'accompagner pour le moment chez toi, je vais lui dire que tu es un cousin... qu'en penses tu ?... il me permettra certainement de te garder aupres de moi si je lui dis que je dois te garder....

Le gosse sembla froncer le nez quand Camille lui répondit. Il la regarda partir à gauche puis lorsqu'elle jetait un oeil, elle le voyait fixer son coca comme s'il avait quelque chose de passionnant. Après quelques minutes, elle le vit montré ses tatouages à l'homme qui se mit à rire à sans doute quelques paroles qu'elle ne perçut pas. Quand elle revint vers lui, il fixa à nouveau ses grands yeux au niveau de ses lèvres. Son regard oscilla de haut en bas d'elle lorsqu'elle parla puis il ouvrit la bouche de sa voix clair, aigu et pimpante.

- Chui pas ton cousin !

Il fit la moue avec sa bouche et son visage se plissa.

- Mon grand frère, il est là bas.

Anatole pointa vaguement le doigt vers la salle. Il fit un grand sourire.

- Mais si je lui dis, on te gardera avec nous.

Elle haussa les sourcils face à cette anecdote mystérieuse puis tenta de voir où pouvait bien se trouver son frère dans la salle... quelqu'un qui aurait une quelconque ressemblance avec le gamin... en tout cas si ils étaient de la meme famille il était certain que le grand frere serait tout autant si ce n'est plus beau !

- bon et bien si tu n'es pas seul çà ira... mais j'aimerais bien etre sure que tu ne montes pas en bateau ! .... pour que tu puisses rester il faut que ton frere si il est vraiment ici, me signale qu'il te garde bien...

en son for intérieur Camille se disait que si Antoine était accompagné par son frere, ce dernier n'etait pas tres fiable si il le laissait vadrouiller seul ! .... hum... elle aurait à l'oeil tout çà, et se generait pas pour en toucher deux mots !

A ce moment, le second groupe entrait sur scène. Anatole se tourna légèrement sur la grande chaise, la jambe gauche repliée sous lui. Il sembla balayer la salle du regard avec un air curieux puis pointa son regard sur la scène qui s'éclairait sur des teintes mordorées. Son regard malicieux revint en arrière et balaya Camille de ses grandes prunelles et d'un sourire enfantin quoique dérangeant.

- Il est là bas.

Ses iris plongèrent dans ceux de Camille ce qui lui fit perdre le fil puis il détourna les yeux vers la scène et elle fit apparemment de même pour regarder les protagonistes qui s'y installaient. Pendant l'installation, Anatole chantonnait tout seul doucement semblant déconnecté de la réalité.

- Mon doudou,
Je l'attrape par un bout.

Je le prend entre mes dents,
Je le serre contre moi tout le temps.

Je le cherche quand je le perds,
Je le suce sans vraiment de repère.

Mes doigts le parcourent avec douceur et rage,
J'aime le parfum qu'il dégage.

Mon doudou,
Je le mordille dans le cou.

Je sais tout de suite quand il me ment,
Dans mon oreille, il parle des gens.

J'aime bien sa texture qui s'affaire,
C'est mon doudou, je le préfère.

Et loin de moi, je sais qu'il est sage,
Parce que je l'embrasse, mon otage.